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Historique de l'Eglise et de l'Orgue de Cintegabelle

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LES GRANDES ORGUES DE L’ABBAYE DE BOULBONNE


Les Abbayes cisterciennes de Cîteaux (1098), Morimond (1115), «fille de Cîteaux», Bonnefont (1119), «fille de Morimond», ont été fondées dès le 11e siècle. La réforme de Cîteaux apporta par ses moines blancs un renouveau de vie chrétienne dans l’Europe entière. L’abbaye de Boulbonne, «fille de Bonnefont», a été fondée en 1129 dans la plaine de l’Hers près de Mazères. Elle devient une des abbayes les plus riches du Midi Occitan.
Quatre siècles plus tard, en 1567, des bandes protestantes détruisent Boulbonne. Les Cisterciens choisirent de relever leur abbaye 85 années plus tard au confluent de l’Hers et de l’Ariège. Pour leur abbaye, les moines commandent un orgue que l’on attribue au facteur Christophe Moucherel. L’instrument est en place pour la consécration de l’église de l’abbaye par l’évêque de Mirepoix en 1742.
Construit pour la vie liturgique des moines, cet orgue est destiné à accompagner le plain-chant et notamment le chant grégorien. Le devis dressé par le facteur Jean-François Lépine en 1754 pour effectuer un relevage complet, un peu plus d’une dizaine d’années après sa construction, nous permet de connaître la composition d’origine de l’instrument.

Christophe Moucherel (né en 1686)
Comme en témoigne l’orgue de Mouzon (Ardennes), en 1723, Christophe Moucherel a 37 ans et vogue déjà au sommet de son art. Moucherel dirige alors en maître ses compagnons, ainsi qu’un menuisier et un sculpteur recrutés sur place. Comme l'atteste son traité de 1766, il est facteur d’orgues, maître menuisier et tourneur à Toul et à Metz, architecte, facteur de clavecins et d'instruments à vent, maître fondeur en caractères d’imprimerie à Paris, et à Rodez. A Albi, il a construit deux instruments, dont le chef-d'œuvre de la Cathédrale (1736). On lui doit aussi l’orgue de Narbonne (1739) et sans doute l’orgue de l’abbaye de Boulbonne (1742).

Comment l’orgue a-t-il manqué de disparaître?
Nous connaissons le nom des organistes de Boulbonne: Pierre Savary (1751), François Boulanger (1766), François Nolé (1784). François Nolé était marié avec Marie Fageadet. Ils avaient leur maison dans le hameau du Port de Boulbonne. A la Révolution, l’abbaye est vendue comme bien national. Les orgues, avant d’être mises en vente, seront laissées à l’abandon, livrées à la poussière, aux intempéries, aux souillures des oiseaux et à la négligeance des hommes.
Il existe dans les archives départementales de la Haute-Garonne un spécimen d’une affiche annonçant :

Une orgue des plus complexes et des meilleures sera vendue dans la ci-devant abbaye de Boulbonne, le lundi 1er août 1791, à neuf heures.

Mais personne ne se présente à cette vente aux enchères.
Une nouvelle mise en vente se déroule 7 ans plus tard, le 8 messidor an VI de la République. Voici ce que dit l’expertise qui a été commandé pour cette vente : «Nous, J.-B. Micot, facteur d’orgues, domicilié à Toulouse, section 8, n°154, et Jacques Bellin, menuisier, aussi domicilier à Toulouse, section 1, n°289, experts, nommés par arrêté de l’Administration Centrale du département de la Haute-Garonne, en date du vingt-neuf floréal an six, [...] estimons la partie menuizerie et ferrures à la somme de deux cents francs et la partie de facture, soufflerie, claviers, mécanique et tuyaux, à la somme de quatre cents francs, ainsy la menuiserie et facture s’élevant, pour la totalité de l’appréciation de l’entière orgue, à la somme de six cents francs. Le dit instrument, quant à la menuizerie, sculpture, facture et qualité de son mauvais état actuel ne nous paraît pas mériter d’être conservé […]». Mise à prix: 600 francs. Le citoyen Jacques Fageadet, le beau-père de François Nolé, l’ancien organiste de l’abbaye, a enchéri à 605 francs. Le citoyen Jean Lajaunie, serrurier au Port, a enchéri à 610. Le dit citoyen Jacques Fageadet a enchéri à 615. La vente est adjugée à Fageadet qui s’est donc porté acquéreur de l’orgue, en fait au nom de six ou sept propriétaires effectifs, désireux de conserver cet instrument à Cintegabelle.
Sitôt après, les copropriétaires proposent de transférer l’orgue dans l’église paroissiale. La fabrique (ensemble de personnes nommées officiellement pour administrer les biens d’une paroisse) accepta. Le remontage dans l’église de Cintegabelle, financé à l’aide du produit de quelques quêtes, fut confié en 1806 au facteur Campardon peu scrupuleux, et dura 13 ans. L’instrument, après avoir manqué de disparaître, reparla sous les doigts de l’ancien organiste de Boulbonne, après 28 ans de silence. Bien que l’orgue n’ait pas été conçu pour l’église, la nef large et spacieuse lui offre une acoustique de qualité, tel le berceau de mise en valeur de l’orgue.

Les métamorphoses de l’instrument
À partir de 1850 commencèrent des travaux modifiant profondément sa conception d’origine dont les responsables furent l’ouvrier de Daublaine et le facteur Magen d’Agen. Une nouvelle restauration fut réalisée en 1923/28 par la manufacture Th. Puget de Toulouse sous le mécénat d’Antonin Brusson. Après toutes les transformations, pour le mettre au goût du jour, l’orgue a retrouvé sa composition initiale en 1989. Ce sont les facteurs M. Jean-Loup Boisseau et M. Bertrand Cattiaux qui ont restauré l’instrument selon les plans d’origine, en liaison étroite avec le Ministère de la Culture (DRAC Midi- Pyrénées).

Inventaire archéologique de 1989 avant démontage
Lors de l’inventaire de 1989 avant démontage, il a été découvert sur une traverse l’inscription: «Louis 1741», ce qui permet de confirmer l’âge de l’instrument. On retrouve la facture de Moucherel, de Jean-François Lépine ou de Dom Bedos de Celles. Différents éléments, notamment les finitions et détails de fabrication plaident en faveur de Moucherel, sans exclure le facteur Montbrun (Montréal, Sorrèze et Lombez). Les buffets d’Albi, de Narbonne, de Boulbonne et de Saint Martin de Limoux sont visiblement de même facture. L’orgue de Saint Martin est attribué à Lépine qui, comme à Boulbonne, effectua le relevage des orgues d’Albi et de Narbonne.

L’éblouissant buffet Régence
Le buffet, l’un des plus élégants du 18ième siècle, est un chef-d'œuvre classé en 1906. Deux superbes atlantes avec tout l’effort de leurs muscles tendus soutiennent le Positif qui comprend cinq tourelles surmontées d’angelots musiciens jouant du triangle, de la flûte, du serpent, du basson et un chef qui dirige. Le Grand-orgue comporte sept tourelles. Deux belles cariatides soutiennent celles de droite et de gauche. Les plates-faces sont ornées de claires-voies richement sculptées et surmontées de consoles renversées. Les boiseries sont peintes de marron clair et rehaussées de dorures aux moulures et sculptures. Deux panneaux sont décorés de trophées musicaux. Au sommet des deux plus hautes tourelles, au milieu des corbeilles de fleurs et des urnes, deux grands anges sonnent la trompette.

L’orgue de Cintegabelle est fragile. Il mérite de l’attention. Son tempérament, son diapason, ses claviers semblables à ceux d’un clavecin, son pédalier à la française, le brillant de ses pleins jeux, la richesse et la force de son grand jeu, la beauté de ses jeux de fonds, la poésie de ses jeux de détails, l’harmonisation pleine, claire et chantante de ses sonorités à la française, le prédispose naturellement à l’interprétation de la musique ancienne, en particulier (mais pas uniquement) la musique baroque française. Lorsque un organiste sait faire corps avec l'instrument, la beauté de cette musique se révèle. C'est pourquoi cet orgue mérite le plus grand respect et pour en percevoir la vraie noblesse, rien ne remplace le contact direct et une écoute attentive, au milieu de la belle et large nef de l’église de Cintegabelle. Chacun, croyant ou non croyant, peut être touché au cœur.

Emmanuel Schublin, titulaire de l’orgue de Cintegabelle
Pour faire une visite commentée : organistecintegabelle@gmail.com
06.09.31.83.42

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